l'impartial publié le 10/06/2010
Un festival aux « coul'Eure » de l'aquarelle
L'initiative était d'importance, presque aventureuse, mais elle en valait la peine. Pour Adagge, association gaillonnaise à l'origine de cette belle démarche culturelle, le but était de dépoussiérer les idées reçues et de redonner à l'aquarelle ses lettres de noblesse. Certainement, un pari réussi.
Le festival international Aquarell'Eure a fermé ses portes dimanche après-midi, après une semaine forte en animations, offrant au grand public une palette d'expressions, de thèmes et de techniques riches, hautes en couleurs et en qualité.
Dans le projet de Pascal Templier et Louis Aubert d'Adagge (Association pour la Diffusion des Arts Graphiques à Gaillon et ses Environs), la démarche devait briser les idées passéistes qui veulent que l'aquarelle soit une expression sans message véritable, coutumière ou s'adressant aux seuls amateurs éclairés. Tout au contraire, au même titre que les huiles, les eaux-fortes et autres techniques, l'aquarelle est une véritable expression artistique aux multiples visages où peuvent s'exprimer tous les sentiments humains, tous les styles et tous les thèmes. Preuve en est que les oeuvres présentes au festival étaient aussi variées que leurs auteurs eux-mêmes. L'amateur ou le simple curieux a pu naviguer de la traditionnelle marine, du paysage classique à des peintures plus marquées, pleines de caractère, parfois audacieuses, tels certains Nus ou des abstraits vifs, colorés, emprunts d'une grande énergie.
Si pour le visiteur lambda, l'approche pouvait paraître compliquée, pour les amateurs de peinture, fussent-ils expérimentés ou débutants, la palette était attrayante et large. Il était inutile de « s'y connaître », l'aquarelle ne requiert dans sa perception que l'émotion, les sensations, le plaisir de l'oeil et celui du coeur. Est-il besoin de savoir tout sur cette technique, « non », estiment Pascal Templier et Louis Aubert dont le propos était précisément de casser les a-priori.
En partant de ce principe, il y a un peu plus d'un an, avant la naissance de l'association Adagge, l'objectif était de faire bouger Gaillon, amener une dynamique au niveau de la commune, en incitant les commerçants, les associations culturelles locales, et, bien sûr, la ville à participer. « Avoir un rendez-vous d'exception avec le grand public, générer des rencontres, des échanges entre artistes et visiteurs, entre artistes ensemble, était aussi notre projet car les artistes sont des gens généreux, ouverts aux échanges » précise Pascal Templier.
Une douzaine de stages de différent niveaux, allant de la découverte au perfectionnement, s'est déroulée tout au long du festival. En finalité, plus de 200 personnes ont participé à ces stages en compagnie d'artistes français et étrangers.
Jean-François Contremoulin et Didier Brot, aquarellistes de métier parmi les quatorze auteurs invités, ont estimé l'initiative heureuse car elle a permis à un grand nombre d'artistes de se retrouver ou de se connaître, dans des conditions plus conviviales et moins stéréotypées. C'était l'occasion également de voir en direct comment le public percevait leurs oeuvres et de partager avec lui sur le vif les émotions que suscitent leurs peintures.
En clôture de la manifestation, les artistes, tous les membres de l'association et les bénévoles ont partagé le pot de la convivialité en compagnie des participants de la Journée de la Peinture au parc de la mairie. Louis Aubert a tenu à remercier chaleureusement tous ceux qui ont contribué, par leur dynamisme et leurs efforts, à la mise en place du festival et au succès de l'opération.
Pour les organisateurs, le premier bilan est plutôt satisfaisant, malgré les petits soucis techniques du début, communs à tous les lancements de grands projets. Si des détails dans l'organisation restent à peaufiner, la démarche dans son ensemble a porté ses fruits. Selon une première estimation, entre 1000 et 1500 visiteurs se seraient déplacés pour l'évènement.
La prochaine édition du festival Aquarell'Eure se tiendra aux mêmes dates en 2011, et à cette occasion, l'association Adagge fonde deux espoirs, le premier, une participation plus grande du public gaillonnais et des environs ; le second de voir le festival se dérouler au château de Gaillon. La participation d'autres partenaires - voire de mécènes - serait la bienvenue pour ce festival qui se veut non seulement artistique - et hors des entiers battus -, mais avant tout un moment de grand partage humain, émotionnel et convivial autour de l'aquarelle.
Et le public ?
Si certains gaillonnais ont rechigné à battre le pavé à la recherche des peintres dans les rues ou des lieux d'expositions, parfois un peu difficiles à trouver, d'autres visiteurs ont fait le voyage exprès pour l'évènement. Tel ce couple de belges descendus de La Louvière près de Charleroi, amateur d'aquarelles, qui a découvert avec plaisir bien des oeuvres exposées, assistant à une douzaine de démonstrations et admirant huit styles différents au cours de son escapade culturelle. Mais ce sont surtout les échanges conviviaux et spontanés avec les artistes qui ont marqué leur semaine en Normandie.
Les quinze commerçants participants également ont été ravis par leur partenariat, boulangers, coiffeur, agence immobilière, mercerie, bijouterie, etc., en passant par le cafetier du centre à qui cette opération a permis d'élargir quelques jours sa clientèle habituelle avec l'arrivée de peintres de tous horizons, de touristes en goguette et d'amateurs avertis, friands de conversations, croquis en tête et regards neufs ; un bon moment qui lui a sans doute rappelé le « Montmartre » de sa jeunesse.
Caroline LaBRIE
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